Le président de la COP21 Laurent Fabius adopte formellement l'Accord de Paris d'un ultime coup de marteau

COP21: quel sens donner à l’Accord de Paris ?

Après la célébration visiblement euphorique qui a suivi l’adoption de l’Accord de Paris, scellé d’un petit coup de marteau (repeint en vert pour l’occasion) par le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius, président de la COP21, l’heure est au réalisme. Si le monde s’est mis en marche à Paris, il ne faut pas se leurrer d’où il part. L’état du climat mondial n’est pas réjouissant. L’année 2015 sera certainement la plus chaude jamais enregistrée. Plus important encore, pour la première fois, la concentration atmosphérique de CO2 a dépassé la barre symbolique des 400 ppm (en moyenne mondiale). En termes d’amplitude et de vitesse, on sort complètement de la gamme de variation naturelle de la teneur en gaz à effet de serre pour atteindre des niveaux sans précédent depuis au moins 800 000 ans.

Ceci étant dit, quel sens donner à l’Accord de Paris ? Bien qu’il soit, en l’état, encore très insuffisant pour contenir le dérèglement climatique, il faut bien reconnaître son caractère résolument historique. C’est le premier accord sur le climat à vocation universelle. Reste maintenant à savoir dans quelle voie le monde va s’engager.

Deux scénarios-type

D’un côté, la COP21 pourrait servir de base pour une transition (accélérée) vers un monde bas carbone. Dans pareil contexte, la dynamique enclenchée à Paris permettra de stimuler une autre vision de l’avenir de nos sociétés industrielles et modernes, appelées à se défaire des énergies fossiles, à redistribuer les pouvoirs et à resserrer le niveau d’inégalités socio-économiques à toutes les échelles. Mais l’Accord de Paris ne pourra se réaliser tout seul : tous les citoyens devront accepter cette transformation profonde et s’impliquer corps et âme pour simplifier et revitaliser leurs modes de vie.

De l’autre côté, il faut rester très prudent quant au devenir de la gouvernance mondiale sur le climat. Elle s’est fondée jusqu’à présent sur l’illusion de pouvoir traiter le problème climatique sans remettre en cause la doctrine d’une croissance économique infinie. De ce point de vue, on pourrait s’attendre à ce que les États se ramollissent une fois la bulle des négociations refermée, et retournent à leurs politiques gouvernementales classiques (concurrence économique, commerce international, extractivisme).

La réalité se déploiera entre ces deux polarités, mais seul « l’avenir confirmera si Paris a été un tournant historique », selon l’expression de Nicolas Hulot. La question qui se pose en dernière analyse est donc temporelle : serons-nous assez rapide pour basculer vers des sociétés sobres et résilientes avant que le climat ne bouleverse dangereusement la stabilité des systèmes écologiques et humains (alimentaires, sociaux, commerciaux, médicaux).

Se questionner sur le sens de cet accord, ce n’est pas seulement réfléchir sur l’ouverture des possibles, c’est aussi reconnaître l’impossible. L’objectif de 1,5°C, fixé dans le marbre du nouveau régime climatique, est pratiquement inatteignable. Pour les scientifiques, ce seuil de réchauffement aurait déjà (physiquement) expiré avant même la COP21. En ce sens, l’Accord de Paris se nourrit du symbolique pour le meilleur et pour le pire.

Gil Oliveira
[14.12.2015]

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Mise à jour le 18 décembre 2015 à 12 h 08 min

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